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Nous préférions donc les armes de projection. Nous passions beaucoup de temps à en fabriquer méticuleusement trois : des javelots, des lance-pierres et des arcs. Pour les javelots nous cherchions de longues branches le plus droites possibles. Les flancs de la vallée portaient nombre de buissons de noisetiers que nous examinions minutieusement pour trouver une partie rectiligne d’environ un mètre cinquante dont nous enlevions l’écorce et dont nous affûtions le côté le plus étroit avec les canifs dont la plupart d’entre nous étaient pourvus. Ensuite, quand nous le pouvions, nous les chauffions à un feu, essayant sous l’effet de la chaleur de les redresser le plus possible. Cela pouvait prendre plusieurs heures mais nous étions très fiers quand nous avions obtenu un résultat satisfaisant. Dans les batailles, nous hésitions en fait à les lancer car nous risquions de voir nos adversaires s’en emparer et, bien souvent, ces javelots nous servaient en fait plutôt comme simples bâtons, épées ou sabres. Bref, ils nous servaient plus à frapper qu’à essayer d’atteindre à distance. Mais nous organisions aussi entre nous des compétitions à celui qui serait lancé le plus loin ce qui entraînait de vrais débats car ils ne se plantaient que rarement en terre et il était difficile de déterminer avec précision leur point de chute. Un bon javelot, celui qui volait bien droit et même se plantait en terre en tombant pouvait aussi nous servir de monnaie d’échange et certains d’entre nous avaient la réputation d’en être de bons artisans.
Il en était de même pour les lance-pierres que nous confectionnons à partir d’une fourche de branche. Elle ne devait pas être trop grande, généralement moins de vingt centimètres. Nous en ôtions aussi soigneusement l’écorce puis nous fixions, sur les deux branches de la fourche, avec du petit fil de fer ou du fil de pêche très serrés, une lame de caoutchouc d’une trentaine de centimètres découpée sur une vieille chambre à air sur laquelle nous avions fait glisser un rectangle, de cuir de préférence, ou d’un caoutchouc plus épais. La plupart d’entre nous prenaient beaucoup de soin à décorer la branche qui servait de manche, y gravant son insigne, ses initiales ou l’entourant de rubans colorés. Chacun d’entre eux était ainsi personnalisé car, lorsqu’ils étaient efficaces, nous en prenions très grand soin. Là encore, il nous arrivait d’organiser entre nous des compétitions, visant un carton posé comme cible, une boîte de conserve, une bouteille posés à quelques mètre de nous, le vainqueur étant bien sûr celui qui atteignait la cible, mais aussi celui dont l’arme tirait le plus loin. Dans ces compétitions internes nous utilisions comme projectiles de petites pierres le plus ronde possibles, mais dans nos combats de coquelets, désireux de ne pas vraiment blesser les adversaires, par un accord tacite, nous n’utilisions pas de pierres, et celui qui le faisait était considéré comme lâche, mais ce que, suivant la saison, nous fournissait la nature : petites pommes, petites prunes sauvages, marrons, cynorrhodon, petites pommes de pin, noyaux de pêche, tout ce qui était suffisamment ferme et volumineux pour être projeté à une distance raisonnable de moins d’une vingtaine de mètres.
Les armes dont nous étions les plus fiers étaient nos arcs. Nous passions des heures à les confectionner et à tenter de leur trouver des perfectionnements. Je me souviens de matinées passées au soleil, sur le petit balcon de mes grands parents qui donnait sur une des rues principales de la ville.
Et l’hiver, bien entendu, les inévitables boules de neige.
En fait, nous étions plus intéressés par la fabrication de nos armes et les qualités qu’elles démontraient dans les compétitions internes à la bande que par leur usage dans des batailles sporadiques.
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